mercredi 6 juin 2007

6 Juin 44: Sommes nous tous devenus américains?

C'était le thème d'un documentaire au titre alléchant mais un peu simpliste sur Arte hier soir.
Au-delà de l'aspect militaire et décisif du débarquement, les américains entamaient en Europe un processus irréversible.
D'abord, le plan Marshall, qui de 47 à 51 allait mettre à disposition de l'Europe détruite, Allemagne de l'Ouest comprise, un budget de 85 milliards d'Euros ( équivalents 2007). Beaucoup mais peu par rapport à ce que les européens eux-mêmes investiraient dans la reconstruction. Au delà de la seule " générosité" réelle" - Les américains verseront ces fonds à un organisme créé à cet effet par les européens , l'OCDE qui répartira les sommes entre les pays éligibles sans l'intervention des américains - l'objectif des USA allaient s'avérer triple:
- endiguer ce qu'il considérait comme inéluctable, la progression du communisme vers l'Ouest
- développer une coopération militaire pour le futur (Organisation du Traité de l 'Atlantique Nord
- recréer un grand marché permettant d'écouler et de donner de donner de nouveaux débouchés aux oproduits "made in USA" ( on peut se demander avec impertinence si ce "grand marché" né en 86 ( sous l'impulsion de J.Delors) sera un partenaire ou un concurrent pour les américains!)
Cyniquement, involontairement, cette stratégie allait avoir une influence économique mais aussi culturelle décisive sur les Européens. D'abord à travers des modes de consommation, les vêtements (jeans, bas nylon...), l'alimentation ( fast food, coca cola) , le cinéma (hollywood, l'épopée des westerns, la violence des armes...), la musique (le jazz, puis la musique des noirs). Puis plus"politiquement" sur les modes de pensée. Promotion de la libération de la femme, de la libération des moeurs, de l'organisation managériale libérale . Comme le disait le cinéaste Wim Wenders, les USA, pays jeune, peuple jeune, étaient totalement tournés vers la création, l'innovation, le FUTUR. Et à cettte époque, l'Europe, et plus particulièrement l'Allemagne, n'osait encore regarder son passé. Alors effectivement, le terrain semblait sans résistance à cette offensive aux vertus alléchantes et immédiates après les années de privation. Le journaliste -écrivain Philippe Labro ayant découvert très jeune à cette époque les Etats- unis, ses paysages grandioses, ses mythes( Hemingway, Hollywood,la nouvelle frontière) et son mode de vie constatera "les dix ans de retard que la France gardera toujours sur les States"

Mais si la surface s'est effectivement uniformisée- il existe un mode de vie global aujourd'hui, jusque dans les anciens pays communistes qu'on peut qualifier d'occidental si on ne veut pas le qualifier d'américain- l'Europe, "le vieux continent" comme disait Dominique de Villepin dans son désormais célèbre discours à l'O.N.U sur notre refus de participer à la guerre contre l'Irak- les Européens n'ont en rien perdu ni leur identité ni leur sens de l'histoire. Ils résistent. A tort s'écrient les fascinés du rêve américain! Qui a raison?

De fait la relation disons entre la France et les états-unis restera toujours dans l'ambiguîté.
- Un Grand point commun: le sentiment réciproque d'être la terre de l'universalité dont le modèle et les messages s'adressent en permanence au monde entier
- Une faille immense : si les valeurs universelles se ressemblent, il y a peu de points communs entre 1783 et 1789 et les notions de liberté, d'égalité et de respect de la constitution n'ont pas du tout le même sens d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique
Et donc une attitude permanente entre fascination et rejet, entre haine et passion.

Le millénaire qui commence est celui de l'apparente victoire absolue du modèle néo libéral américain.Celui de la lente mais inexorable descente de l'apparente influence de la France.
Mais tout ne serait-il pas dans ces "apparences" . La "Globalization" avance. De nouveaux géants apparaissent. Va-t-on vers la chute de l'empire? A terme, je le crois.La puissance militaire ne suffit plus. Il suffit de voir la situation en Irak. Les poids lourds économiques se préparent à la confrontation( Chine, Inde, Brésil, Europe, Indonésie, Corée, Australie...)

L'histoire n'est que rapports de forces. La France sera une France forte dans une Europe forte dans un monde de tous les dangers. La mondialisation est à ce millénaire ce que fut l'apparition de l'ère industrielle au 19ème siècle. Le temps s'accélère. Mais nous ne serons ni tous mondiaux, ni tous américains. Des hommes peut-être. Si nous vivons en intelligence avec notre passé, notre planète et nos diversités.

Un coucher de soleil sur la plage d'Audresselles face à l'Angleterre, une randonnée dans les Alpes face à l'Italie, la garrigue et les cigales sur les hauteurs d'Aubagne, la jeunesse colorée, la vitalité, l'envie d'être de ce siècle. Ayant voyagé du Canada en Pologne, de la Jordanie en Israël, prêt à partir pour la Californie ou le Vénézuela, un fils à Dublin, une fille à Rome. Je me sens bien dans ma peau de Français , citoyen du monde.

PS dans le monde totalement américanisé des grandes écoles de commerce françaises, j'ai passé des heures à essayer d'expliquer la valeur ajoutée de la culture française à ma responsable des relations internationales, Polonaise par son père, américaine par son mariage, vénézuélienne de naissance ...et française d'adoption. Elle a eu la gentillesse de me dire, après mes lectures de poèmes , mes interprétations de chansons, sa vision de mon "art de vivre" que j'étais le premier à l'avoir presque convaincue. Voilà. Rien n'est jamais perdu.

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