samedi 2 juin 2007

La sonate de l'homme bon

J'avais vu à sa sortie " Good Bye Lenin" le film de Wolfgang Becker. J'ai vu il y a trois semaines pour la deuxième fois "la vie des autres" de Florian Henckel Von Donnenmarck. Cela m'a donné envie de revoir le premier dans la foulée. Parce qu'il s'agissait de deux regards allemands sur la courte histoire de la D.D.A, l'Allemagne de L'Est, la république démocratique qui a vécu de 1945 à la chute du Mur de Berlin en 89? Peut-être! Peut-être aussi parce que , comme tout un chacun, je suis à la recherche de l'utopie perdue? rappelé à l'ordre de la fin des totalitarismes étatiques ? Inquiet du retour des peurs millénaristes, religieuses ou écologistes? révolté par l'accélération d'un capitalisme financier, brutal pour les petits, arrogant et incontrôlé?
Mais finalement c'est le regard modeste et complexe que les deux cinéastes portent sur la nature humaine , au-delà d'une analyse qui, tout bien pesé , pourrait concerner toute entreprise totalitaire, qui a ouvert toute mon émotion et a emporté ma conviction.
Au moment où le prix Goncourt est allé sans retenue à un Jonathan Litell qui nous jette à la face , avec une certaine complaisance, l'histoire d'un jeune officier nazi et son insoutenable humanité,
A l'heure où d'autres, provoquant ma révolte, avouent leurs interrogations sur le caractère de cette nature, totalement déterminé , par l'origine sociale pour les uns ou pire génétique pour d'autres, je m'attarderai plutôt sur deux des principaux "héros" de ces films (pour le reste je renvoie le lecteur aux scénarios, l'histoire de la terrible STASI, police politique de la R.D.A, acharnée sur un couple d'artistes ,lui écrivain, elle comédienne pour "la vie des autres" et l'invraisemblable aventure de cette mère de famille est-allemande tombée dans le coma juste avant la chute du mur et se réveillant dans le nouveau monde que sonf ils va tout faire pour lui cacher dans "Good Bye Lenin"
Où donc est la vérité entre cette terreur glacée qui court tout le long du film de Donnenmarck et qui semble être le lot quotidien de tous ces allemands là et la véritable -même si elle est souvent gentillette- nostalgie des ces "wessies" qui ont bien du mal à cacher leur difficulté à vivre dans la brutalité de l'univers capitaliste ?
Sans doute dans cet étrange animal qu'est l'homme, qui cherche perpétuellement sa liberté au milieu d'indépassables contradictions:
Qui est vraiment Wiesler, l'agent de la STASI " HGW XX 177" ? C'est un homme à l'apparence froide, qui fait son métier sans passion mais sans états d'âmes. IL écoute, il écrit, il transmet aux chefs. Par instants, il semble touché par ces artistes qu'il ne fréquente guère. Le metteur en scène, la belle et trouble comédienne, ou l'écrivain suicidé? Il va entrer dans l'ambiguïté, continuer à transmettre puis "oublier" de transmettre. Il ne trahira pas. De plus, devenu suspect aux yeux de ses chefs, il fera avouer la belle- qu'il aime?- dans les locaux de la police. Mais il sauvera Draymann le metteur en scène au prix de sa propre perte et de la mort de l'actrice.
Il paiera -loyalement?- sa faute en "décollant" les timbres des courriers passés à la censure de la police politique, acteur passif d'un système qu'il a pourtant percé à nu.
Après la chute du mur, il devient modeste facteur, porteur de lettres qu'il n'ouvre plus, à la recherche de l'homme qu'il a sauvé et qui peut-être l'a sauvé? Celui qui a repris la longue ouvrage des écrivains maudits pour écrire "la sonate de l'homme bon" , peut-être cet oasis d'humanité dans l'univers glacé des sociétés.
Et qui est Christiane Kerner, cette honorable citoyenne, exemplaire dans une démocratie populaire essouflée, qui , fidèle au " socialisme" n'a pas voulu suivre son mari passé à l'Ouest? Elle passe ses journées, écrivain public dirait-on aujourd'hui, à envoyer aux mêmes responsables politiques que ceux de "la vie des autres" des suppiliques pour des menus services à rendre à la population, et qui sans aucun auront été rendus!
Si elle y croit, son fils , lui ,n'y croit plus beaucoup. Il est de toutes les manifestations, pour un temps encore durement réprimées, contre le régime. Mais s'il semble en phase- un temps- avec les vertus de l'Ouest, il va réagir sans nuance quand sa mère après des mois passés dans le coma va revenir vivre sa convalescence dans le petit appartement familial, après la chute d'un mur qu'elle n'a pas vu tomber: il décide et convainc tout son entourage de cacher la vérité à sa mère et de faire revivre "artificiellement" l'univers de "Lénine" dans l'appartement et autour. Quels miracles à accomplir pour retrouver le café, les cornichons d'autrefois, "détourner " les émissions de télévision avec la complicité d'un copain apprenti cinéaste fabriquant de fausses cassettes avec des discours du nouveaux responsable du parti.( un cosmonaute qui a vu le petit monde si beau de tout en haut!).. qui est amené à expliquer la ruée des gens de l'Ouest vers l'Est par l'épouvantable chômage qui règne là bas et la naturelle solidarité socialiste des Wessies: Maman avait tellement vu de BMW et de publicités tapageuses inhabituelles ( coca cola!) dans les rues lors d'une escapade imprévue ?
Et elle y croit, Christiane, ou au moins on croit qu'elle y croit. Les voisins associés au " salutaire mensonge, un choc la tuerait" sont pitoyables et crédibles.Ils ne se font pas prier: c'était mieux avant, pas de chômage, logement et nourriture pour tous.
Y croira-t-elle jusqu'au bout? Là aussi l'ambiguïté apparaîtra ici où là. Dans le comportement du père qui revit à Berlin et qui retrouve les siens.Dans l'aveu suggéré du "mensonge" par la petite fiancée du fils à Christiane? Dans l'aveu de celle-ci à ses enfants : "non, votre père ne m'a pas laissé pour une autre , j'étais d'accord pour passer à l'Ouest! " pour la liberté? par amour?
Le doute s'installe mais une dernière phrase tombe:" je n'ai pas eu le courage, j'ai eu peur pour les deux enfants dans ce monde là! "
L'amour, la lâcheté, la liberté, la sécurité, la trahison,la souffrance, la rédemption, la mort, la solidarité, le suicide, la vie. Pour la vie.
A voir et revoir. Good Bye Lénin et...au revoir?

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